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introduction

 Non les transidentités ne sont pas un effet de mode.
Non ce n’est pas de la psychiatrie.
Non ce n’est pas que la question de la transition. 
Oui tous les médecins sont concernés et non, on n’est pas au point… Il serait naïf de penser qu’on pourrait régler ce manque avec un dossier. Mais avec ce Gros Dossier du What's up Doc N°61 on peut ajouter une pierre à l’édifice et construire ensemble. 

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Tout ne tourne pas autour de nos transidentités
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Face aux maladresses ou à la violence, de nombreuses personnes trans(1) renoncent aux soins. Plusieurs d’entre elles et eux reviennent sur leurs angoisses et les points qui pourraient être améliorés dans leur prise en charge.

ÉCOUTER

Que ce soit dans un cabinet médical ou lors d’une prise de sang, les rendez-vous médicaux peuvent vite devenir une source d’angoisse pour certaines personnes trans. En cause : la transphobie médicale, les erreurs des praticiens et le manque de formation. 

«C’est pas possible de devoir faire attention en permanence », ajoute Loup, 31 ans. Lui s’est retrouvé face à une endocrinologue, en avril, qui lui a demandé de se déshabiller par curiosité et non par intérêt médical. « Je venais lui demander une ordonnance pour faire un check-up voulu par mon généraliste et ça a été l’horreur. Elle a tenu des propos ouvertement transphobes et m’a demandé d’enlever mon masque. Puis elle m’a demandé de me déshabiller pour voir comment étaient faites les opérations. J’ai réussi à trouver le courage de refuser. Elle a insisté pendant de longues minutes, avant de laisser tomber. » 

Loup reconnaît avoir renoncé plusieurs fois à des soins à cause de la peur de la réaction des médecins, de leur volonté de pouvoir voir son corps mais aussi du manque de compétences de certains ou de leurs incompréhensions. « Ne vous servez pas de nous pour assouvir votre curiosité, lance-t-il aux lectrices et lecteurs de What’s up Doc. Imaginez un médecin qui demanderait à une femme qui vient pour une angine de lui montrer sa poitrine refaite. Cela serait totalement déplacé et malsain. Là, c’est exactement la même chose. Ce n’est pas possible. » 

« À chaque fois, j’ai peur de devoir m’outer(2) et de me retrouver face à un médecin qui ne va me voir qu’à travers le prisme de ma transidentité, même si je viens pour tout à fait autre chose » 

souligne Sacha(3), 35 ans. 

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Orienter 

Agathe, 29 ans, s’est, elle aussi retrouvée dans une situation difficile avec son généraliste. « Il était très mal à l’aise quand je lui en ai parlé la première fois. Ce n'était pas de la méchanceté, mais de l’ignorance. » Agathe, elle, conseille aux médecins de reconnaître leurs limites, leurs doutes et leurs méconnaissances. « C’est ce qu’a fait mon généraliste. Il a eu l’intelligence de reconnaître qu’il ne pourrait pas bien me prendre en charge parce qu’il n’y connaissait rien et il m’a orienté vers d’autres médecins plus compétents et mieux formés que lui. » Pour orienter les personnes trans vers des médecins formés sur les transidentités, il existe des sites qui les recensent mais aussi des associations de personnes concernées qui peuvent orienter les médecins, comme Espace Santé Trans(4) (EST). 

Car souvent, faute de formation, ce sont les personnes concernées qui se retrouvent à devoir expliquer leurs besoins aux médecins. « À chaque fois que j’ai changé de généralistes, j’ai dû reprendre toutes les bases, explique Karine(3), 62 ans. J’arrivais aussi avec un dossier d’articles et de brochures que je laissais. Ce n’était pas de la mauvaise foi, juste une absence totale de formation qui a des conséquences sur ma prise en charge. » 

Elle, elle conseille aux médecins de consulter le WikiTrans ou les associations comme OUTrans ou Acceptess-T(5), qui font des brochures à leur intention pour mieux prendre en charge les personnes trans, y compris mineures, dans leur parcours de soins. 

Pour tenter de réduire les discriminations dans un cabinet médical, d’autres stratégies sont utilisées.
« J’ai fait opposition à mon dossier partagé pour éviter que tous les médecins sachent que je suis une personne trans », reconnaît Alicia(3), 25 ans. « Je ne parle jamais de ma transidentité au premier rendez-vous avec un médecin, parce que je veux que le ou la médecin me voie comme une femme et non comme une personne trans. Je ne veux pas que toute la consultation tourne autour de ça. » 

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Demander 

Autre difficulté : la partie administrative. Le prénom ou le genre sur la carte Vitale n’est pas toujours en adéquation avec l’identité de la personne, surtout en ce qui concerne les mineurs. Pour éviter l’utilisation du dead-name(6), certaines associations recommandent de demander lors du premier rendez-vous quel est le prénom d’usage ainsi que le ou les pronoms(7). Pour cela, on peut utiliser une feuille de questions distribuée dans la salle d’attente avec celle relative aux antécédents médicaux. Ou tout simplement, poser la question : « Est-ce que le prénom sur votre carte Vitale est celui que vous utilisez ? ». 

L’existence d’une ALD en lien avec la transidentité peut outer la personne. « À mon psychiatre, j’ai dit que je ne savais pas que j’avais une ALD et d’un rendez-vous à l’autre j’ai peur qu’il découvre la raison et que toutes nos consultations ne tournent plus qu'autour de ma transidentité et non pas de ma vie en général, expose Alicia. D’autant plus que la question toute simple : « Est-ce que l’ALD que vous avez a un rapport avec cette consultation ?” pourrait permettre une plus grande bienveillance. » 

De son côté, Victor, 23 ans tient à souligner que lui n’a jamais subi de remarques déplacées. « Mes papiers sont à jour et j’allais peu voir des médecins avant ma transition. Néanmoins si j’avais un conseil à donner, c’est de ne pas tout mettre sur le dos des hormones. Tout ne tourne pas autour de nos transidentités. De nombreuses personnes trans renoncent aux soins à cause de la transphobie médicale. » Pour les lettres d’adressage, Victor recommande ainsi de demander ce qu’il est préférable d’inscrire ou non. « Certains spécialistes ont besoin de savoir que l’on est trans, mais pas tous. Pour éviter d’outer, il est préférable de demander si c’est OK de mettre “personne trans” sur la lettre, surtout si la consultation n’a rien à voir. » 

Alicia approuve. « C’est pas compliqué, c’est comme pour n’importe quel autre patient. Il suffit juste d’écouter. Et puis il faut arrêter de nous regarder comme des bêtes de foire. Avant d’être une personne trans, je suis une femme qui a besoin d’un suivi médical comme n’importe qui d’autre. » 

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Lexique :

1. Pour transgenre : Adjectif relatif à une personne qui ne se reconnaît pas dans le genre qu’on lui a assigné à la naissance. 

2. Être “outé” : subir un coming-out non voulu. C’est une violence puisque la personne n’a pas choisi de dire qu’il ou elle est une personne LGBTQI+. 

3. Les prénoms ont été modifiés. 

6. Dead-name : prénom assigné à la naissance qui n’est plus utilisé par la personne. 

7. Il existe plusieurs pronoms : il, elle, iel (pronom neutre). Certaines personnes en utilisent plusieurs.

Transidentités : une discriminaton de plus
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On ne peut pas dire que les médecins soient surinformés sur la prise en charge des personnes trans… Or la méconnaissance est souvent source de discriminations. Une bonne raison pour faire le point : de quoi parle-t-on quand on évoque les transidentités en santé ? 

Il faut regarder les choses en face : les études médicales abordent très peu la question des transidentités… quand elles l’abordent. Le résultat, c’est que même avec la meilleure volonté du monde, les médecins disposent de peu d’outils pour prendre en charge les personnes trans… Or les chiffres, bien qu’incertains (voir encadré ci-dessous), permettent au moins d’affirmer une chose : qu'on le sache ou non, chacun, chacune a déjà eu, une personne trans dans son cabinet. Étant donné le niveau de (mé) connaissance de la profession sur le sujet, il est probable qu’à cette occasion, une ou plusieurs erreurs aient été commises. Une petite remise à niveau s’impose donc. 

Commençons donc par les définitions. « Une personne trans est une personne qui ne s’identifie pas à son sexe assigné de naissance », peut-on lire dans la « Fiche pratique sur le respect des droits des personnes trans » publiée en 2019 par la Délégation interministérielle à la Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH)(1). Le mot important, ici, est le verbe « s’identifier ». « L’identité de genre, c’est un sentiment personnel, le sentiment de ce à quoi on s’identifie, et cela ne regarde que la personne concernée », explique le Dr Tristan Lepage, généraliste strasbourgeois qui a soutenu en 2022 sa thèse sur les discriminations subies en consultation par les personnes trans. Et ce jeune médecin de marteler que « c’est totalement indépendant de l’orientation sexuelle, qui n’a rien à voir ». C’est d’ailleurs pourquoi, précise-t-il, on n’utilise plus le terme de « transsexualité », qui rapprochait trop l’identité de genre de la sexualité. 

« Une personne trans est une personne qui ne s’identifie pas à son sexe assigné de naissance » 

« Fiche pratique sur le respect des droits des personnes trans », publiée en 2019 par la DILCRAH(1) 

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La conséquence de cette définition mettant l’accent sur l’identification, c’est que la médecine est, à première vue du moins, relativement étrangère aux transidentités. « Il n’y a pas de traitement qui définit le fait d’être une personne trans », souligne le Dr Hervé Picard, généraliste à Paris et coauteur avec Simon Jutant d’un « Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans » remis en janvier 2022 à Olivier Véran, alors ministre de la Santé. « On peut donc, ajoute-t-il, tout à fait avoir une personne trans et qui n’a recours à aucun traitement ». Cela étant posé, précise le praticien, la transition peut, quand elle est médicale, notamment passer par des traitements hormonaux : testostérone, oestrogènes, progestérone et parfois bloqueurs de testostérone. Elle peut aussi, ajoute-t-il, impliquer diverses interventions chirurgicales : chirurgie mammaire, pelvienne, ablation de la pomme d’Adam, chirurgie esthétique, etc. ; ainsi que des prises en charge telles que l’orthophonie, l’épilation laser, etc. 

 

Sources : 

1. Les documents cités, et quelques autres, sont en références dans l’encadré « Un peu de lecture… » 

« On peut donc tout à fait avoir une personne trans et qui n’a recours à aucun traitement » 

Dr Hervé Picard, généraliste 

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Discriminés à 96 % 

Mais la place de la médecine dans la prise en charge des transidentités ne doit pas être réduite au rôle qu’elle joue (ou ne joue pas) dans le parcours de transition, loin de là. La médecine est même l’un des sujets de préoccupation principaux des associations de défense des droits des personnes trans : d’après la thèse de Tristan Lepage, qui repose sur les réponses de 135 d’entre elles, 96 % déclarent avoir été victimes de discriminations au cours de leurs parcours de soins, hors parcours de transition : refus de prise de rendez-vous, mégenrage (fait de se tromper, volontairement ou non, de pronom quand on s’adresse à la personne), questions discriminantes ou indiscrètes, examen inadapté ou intrusif… 

Bien sûr, ces discriminations ne partent pas forcément d’une volonté de nuire. « Je ne veux pas croire que tous les problèmes soient le fait de personnes transphobes », indique Hervé Picard. Mais que l’intention y soit ou non, les résultats peuvent être délétères. « Le risque majeur, c’est le risque de stigmatisation, de marginalisation, alerte Sébastien Tüller, juriste et responsable LGBTQI+ chez Amnesty International France. Nombre de personnes trans se protègent comme elles le peuvent. » Cette réaction d’autoprotection peut aller jusqu’à l’évitement de tout contact avec la profession médicale. Mais même quand le patient se contente de dissimuler sa transidentité à son médecin, la prise en charge s’en trouve dégradée. « Une femme transgenre qui a une prostate ou un homme transgenre qui a un utérus, a besoin de dépistages appropriés », rappelle Tristan Lepage. 

« C’est totalement indépendant de l’orientation sexuelle, qui n’a rien à voir » 

Dr Tristan Lepage, généraliste 

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« On associe souvent le risque suicidaire aux transidentités, alors que c’est un risque qui est lié à la transphobie » 

avertit Sébastien Tüller 

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Et selon le généraliste, cette place est au moins double. Il y a d’abord un rôle de « dépistage des troubles de santé mentale qui peuvent être co-occurrents à la transidentité » : en plus du risque suicidaire, la dépression ou les troubles anxieux peuvent être plus fréquents dans la communauté trans. Mais il y a aussi, « chez certaines personnes trans et pas chez toutes », souligne-t-il, un souhait d’accompagnement. « Il peut arriver que la personne trans ait besoin, sans souffrir d’un trouble, d’un espace où elle peut parler de ce qu’elle vit, et il y a là une place pour les psychiatres et les psychologues », précise-t-il. « Les parcours de soins doivent être dépsychiatrisés sans être «apsychiatrisés», ainsi qu’il l’écrivait dans le son rapport de 2022. 

Reste que pour la psychiatrie ou pour les autres spécialités médicales, la bonne prise en charge des personnes trans commence par une bonne information, qu’il n’est pas aisé d’obtenir. « Nos études médicales n’abordent que très peu la question des personnes trans : il y a un manque de formation et d’information », constate Tristan. La seule solution, selon lui, consiste donc selon lui à se tourner vers « les associations de défense des personnes trans, qui restent les premières expertes de leurs parcours de santé ». Et surtout, prévient-il, « il ne faut pas hésiter à dire qu’on ne sait pas, et qu’on est prêt à apprendre ». Comme souvent, le bon médecin sera celui qui sait reconnaître son ignorance… pour mieux la corriger ! 

DÉPSYCHIATRISER SANS APSYCHIATRISER 

L’un des aspects les plus saillants des difficultés liées à la prise en charge des personnes trans est peut-être la question de la santé mentale. D’après une méta-analyse fondée sur des études nord-américaines, la prévalence moyenne des idées suicidaires dans la communauté trans est de 47 %, et celle des tentatives de suicide de 27 %. Selon les chiffres de Transgender Europe (TGEU), 327 personnes trans en sont mortes l’an passé dans le monde. 

Mais la problématique de la santé mentale des personnes trans est un sujet qu’il convient de ne pas prendre à l’envers. « On associe souvent le risque suicidaire aux transidentités, alors que c’est un risque qui est lié à la transphobie », avertit Sébastien Tüller. « Pendant longtemps, l’idée dominante était de considérer les transidentités comme une maladie mentale, abonde Hervé Picard. Ce n’est plus le cas aujourd'hui, et il faut que la psychiatrie trouve sa juste place dans l’accompagnement des personnes trans. » 

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Les chiffres introuvables de la transidentité 

Combien de personnes, en France, sont trans ? D’après les chiffres de l’Assurance maladie cités par la Haute Autorité de santé (HAS), 8 952 personnes étaient titulaires d’une affection de longue durée (ALD) pour « transidentité » en 2020. Mais toutes les personnes trans n’ont pas un parcours médicalisé, et encore moins un parcours médicalisé pris en charge à 100 % par la Sécu ; il faut donc considérer ce chiffre comme un minimum. En effet, comme le note Tristan Lepage dans sa thèse sur les discriminations subies en consultation par les personnes trans, les études disponibles compilées par l’Organisation pour la coopération économique et le développement (OCDE) trouvent un pourcentage de personnes trans dans la population adulte compris entre 0,1 % au Chili et 0,3 % aux États-Unis, ce qui amènerait à compter la communauté trans française en dizaines de milliers plutôt qu’en milliers. Un article de Madeline Deutsch paru en 2016 dans LGBT Health (voir ci-contre) estime même qu’il faut multiplier ces estimations par 10 ou 100… Moralité : on ne sait pas, et on ne saura probablement jamais. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que les personnes trans ont toujours existé, que ce n’est pas un effet de mode. 

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Un peu de lecture
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Un peu de lecture… 

Noah Adams, James Vincent, Suicidal Thoughts and Behaviors Among Transgender Adults in Relation to Education, Ethnicity, and Income: A Systematic Review, in Transgender Health, Volume 4.1, 2019 

 

Madeline Deutsch, Making It Count: Improving Estimates of the Size of Transgender and Gender Nonconforming Populations, in LGBT Health, vol 3, no 3, 2016 

 

DILCRAH, Fiche pratique sur les droits des personnes trans, octobre 2019 

 

HAS, « Parcours de transition des personnes transgenre », Note de cadrage, septembre 2022 

 

OCDE. Panorama de la société 2019 : Les indicateurs sociaux de l’OCDE, 2019 

 

Hervé Picard, Simon Jutant, Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans, ministère de la Santé, janvier 2022 

Transidentités de médecins
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En France, plus d’1 personne trans sur 7 a déjà subi des discriminations dans l’accès aux soins en raison de son identité de genre. Des discriminations qui n'épargnent pas les soignants. Deux médecins, l’une psychiatre, la seconde gynécologue, racontent ce que leur transition a changé dans leur vie professionnelle. 

Pour Tahina(1) comme pour Elisa(1) entamer une transition sociale a été synonyme de changement professionnel. « Je suis gynécologue depuis 20 ans, commence Tahina, 49 ans, mais quand j’ai fait mon coming-out en 2020, on m’a fait comprendre que ça serait bien que je parte ailleurs, que je quitte l'hôpital public dans lequel je travaillais. Depuis, je me suis installée en libéral et je n’ai toujours pas compris en quoi ma transition pouvait gêner ma pratique médicale. » Elisa, 58 ans, a elle aussi dû quitter l'hôpital public dans lequel elle travaillait. « J’ai commencé ma transition sociale puis médicale en 2017. J’étais psychiatre et aujourd'hui je n’exerce plus. » 

Sauver des vies 

Toutes deux dépeignent un environnement où le manque de formation de leurs pairs se traduit par un mauvais accueil des personnes trans. « Beaucoup de médecins ignorent tout, souligne Elisa. À titre personnel, je me souviens de ce professeur d’université qui nous avait dit que ça n’existait pas. Pas que c’était un effet de mode, comme on peut l’entendre aujourd›hui, mais juste que ça n’existait pas. Ce qui est complètement faux mais ce genre de petite phrase a des conséquences. Moi par exemple, je pense que si j’ai attendu autant de temps avant d’entamer ma transition, c’est à cause de la haine anti-trans qui fait des ravages, y compris dans le milieu médical. » C’est pourquoi Elisa réfléchit à lancer une association de médecins LGBT+. Une façon de mieux prendre en charge les personnes trans mais d’être, elle aussi, considérée à sa juste valeur. « Même au sein des parcours de transition, certains médecins ont la volonté de rendre les transitions médicales pénibles, voire même de les décourager. » 

Autre difficulté dans le milieu médical, les fausses informations qui peuvent circuler sur les transidentités. « On en revient toujours au même problème : sans formation adaptée lors des études de médecine, les médecins qui ne font pas la démarche personnelle de se mettre à la page peuvent être discriminants, reconnaît Tahina. Alors que sincèrement, ce n’est pas plus compliqué de prendre en charge une personne trans que n’importe quelle autre personne. C’est juste que cela peut littéralement sauver des vies. » 

Être utile 

Dans mon cabinet, j’ai beaucoup de personnes qui pleurent face à moi parce que ça change leur vie d’être écouté, entendu. Et pour moi, c’est hyper gratifiant, reconnaît Tahina. On se sent vraiment utile. » Pour mieux prendre en charge les personnes trans dans leurs soins gynécologiques, Tahina recommande de dégenrer au maximum la consultation et de faire attention aux mots employés. Par exemple, pour le haut du corps, certaines personnes vont parler de torse quand d’autres vont employer le terme de poitrine. Pareil pour un frottis, c’est un examen qui n’a pas de genre et qui peut être réalisé aussi bien sur des femmes que sur des hommes ou des personnes non binaires. 

« La plupart des personnes qui viennent ont déjà vécu des discriminations médicales, donc plutôt que de faire des maladresses et de blesser, c’est essentiel d’écouter, d’accompagner mais aussi de reconnaître ses limites, continue-t-elle. Moi par exemple, je reconnais volontiers que pour la non binarité j’ai parfois du mal. Donc je préviens que j’ai encore quelques difficultés à employer le pronom “iel” de façon systématique. » 

Côté patientèle, Elisa n’a rencontré aucun problème. « Beaucoup m’ont dit que ça n’aurait pas posé de problème si j’avais pu continuer à les suivre. Dans tous les cas, ma transidentité n’est pas un sujet dans une prise en charge psy. Si une personne est mal à l’aise avec qui je suis, ça démontre quelque chose en elle, pas en moi. » Il en est de même pour Tahina. « J’ai souvent été mégenrée par des médecins que j’ai connus avant, mais je n’ai pas de problème avec les patients qui viennent me voir. Beaucoup viennent d’ailleurs me voir parce qu'iels savent qu’iels ne seront pas discriminés dans mon cabinet. Une fois j’ai eu un problème avec une patiente qui n’allait pas bien. Elle a reporté sa colère et son mal-être sur moi et a appelé ma secrétaire pour m’outer. Ce qui n’a pas fonctionné puisque ma secrétaire est au courant que je suis une femme trans. Mais ce n’est arrivé qu’une fois et je suis installée en libéral depuis 3 ans. » 

Côté prise en charge, Elisa dédramatise aussi. « Prendre en charge une personne trans sans discrimination c’est une démarche de soin comme une autre. Ce n’est pas compliqué et vous allez voir, vous allez avoir un vrai rôle dans la vie des gens que vous allez accompagner. On fait notre métier quand on s’occupe bien des gens. Mais au-delà de ça, vous allez vivre de très beaux moments parce que quand on a été victime de discriminations pendant des années et que pour une fois on trouve une personne qui est prête à nous regarder comme on est, ça change tout. » 

« La plupart des personnes qui viennent ont déjà vécu des discriminations médicales, donc plutôt que de faire des maladresses et de blesser, c’est essentiel d’écouter, d’accompagner mais aussi de reconnaître ses limites. Moi par exemple, je reconnais volontiers que pour la non binarité j’ai parfois du mal. Donc je préviens que j’ai encore quelques difficultés à employer le pronom “iel” de façon systématique. » 

Tahina, gynécologue 

Sources : 

1. Les prénoms ont été modifiés 

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Sans les associatons je ne pourrais pas travailler
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Pour mieux prendre en charge les patients, des médecins travaillent main dans la main avec les associations de santé communautaire. 

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« Il y a une vraie urgence à former les généralistes » 

Armelle Grangé Cabane, médecin généraliste 

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Avant 14 ans, 33 % des personnes trans ont déjà fait une tentative de suicide, rappelait Morgan de l’association Espace Santé Trans (EST) lors d’une formation au congrès Réagjir. « La personne que vous recevez au cabinet est peut-être passée par là ou risque de se mettre en danger », souligne-t-il. Aussi, « 16 % des personnes trans se sont déjà vu refuser une consultation médicale parce que trans ». Ces discriminations plongent une partie de cette population dans une errance médicale « où le moindre rendez-vous médical peut devenir source d’angoisses », continue-t-il. Ce constat, les associations de santé communautaire le connaissent trop bien. Alors pour tenter de lutter contre la transphobie médicale, elles mettent en place des listes de médecins trans-friendly, rédigent des protocoles de soins ou encore lancent des formations. 

« Pour moi les associations, et tout le travail qu’elles font sur la santé communautaire, sont un support sans lequel j’aurais du mal à travailler », explique le généraliste Hervé Picard, coauteur avec Simon Jutant d’un « Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans ». « D’ailleurs, une des questions systématiques que je pose lors des rencontres avec les personnes qui viennent me voir c’est : “Êtes-vous en contact avec des assos ?”. Je leur conseille de prendre contact pour ne pas rester seules, surtout au début d’un parcours de transition. » Habitué à recevoir des personnes trans dans son cabinet, il a sollicité les associations concernées pour mettre en place une formation à Ipso Santé. 

En partenariat avec Acceptess-T, une association qui lutte contre toutes formes de discriminations à l’encontre des personnes trans, deux demi-journées de formation ont été organisées. La première, dispensée par l’association, avait pour objectif de donner les bases pour bien accueillir une personne trans. La seconde, encadrée par deux généralistes, a permis de répondre aux interrogations médicales mais aussi de donner des conseils pour la prescription d’hormones. « Il y a une vraie urgence à former les généralistes, commence Armelle Grangé Cabane, médecin généraliste à Paris. Il y a 4 ans, nous n’étions que trois généralistes à faire de l'hormonothérapie sur Paris. » Des chiffres que confirme l’association OUTrans, qui a réalisé un testing à Paris. Sur les 10 000 généralistes qui exercent, seuls 10 acceptaient de faire une primoprescription d’hormones et seulement 5 endocrinologues sur 60 testés acceptaient de suivre des personnes en transition. 

Une situation d’autant plus dramatique que l’accès aux hormones réduit le risque de dépression et de suicide. « La charge mentale pour mieux s’occuper des personnes trans repose beaucoup sur les associations, signale Anaïs, coprésidente d’OUTrans. Il y a un manque complet de formation sur les transidentités côté médecins. Et ce manque de formation, nous le payons lors de nos rendez-vous. » 

Fort de ce constat, « avec les associations EST, Acceptess-T et OUTrans1, on a donc créé cette formation pendant le Covid, continue Armelle Grangé Cabane, et depuis on a formé environ 150 personnes. » 

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Dans la salle d’Ipso Santé, une vingtaine de médecins, pharmaciens et personnels infirmiers prennent des notes quand Armelle Grangé Cabane et Romain Boutonné détaillent les démarches pour mettre en place une ALD, les protocoles d'hormonothérapie et listent les ressources qui existent. « Le WikiTrans est très complet, il y a des protocoles-types mis en place par les associations sur lesquels vous pouvez vous baser, détaille Armelle Grangé Cabane. On a aussi un drive avec de très nombreux documents pour m i e u x prendre en charge les personnes trans, un groupe sur une messagerie sécurisée et une mailing list. Au travers de ces réseaux-là, l’objectif est de pouvoir discuter avec des médecins formés qui pourront répondre à vos questions. L’idée c’est que vous ne vous retrouviez jamais seul avec vos interrogations. » « Les transitions médicales se passent bien en général, ajoute Romain Boutonné. C’est l’environnement personnel qui peut être compliqué, d’où la nécessité de demander si ce dernier permet la transition. Par exemple, pour les jeunes majeurs qui ne sont pas out auprès de leur famille, déclencher une ALD permet de passer outre la carte de mutuelle des parents. » 

Pour Simon Jutant, codirecteur d’Acceptess-T, une vraie prise en charge sans discriminations des personnes trans doit passer par plus d’autodétermination et donc par « un changement de paradigme complet » de l’État français. « Cela permettrait une reconnaissance des parcours trans dans un contexte plus large de santé et de bien-être. Les parcours des personnes trans ne seraient alors plus vus comme des parcours de souffrance. » Mais en attendant que la France prenne le chemin de l’Espagne, son association continuera d’essayer de réduire les inégalités que subissent les personnes trans. 

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Pour aller plus loin 

Le guide « Hormones et parcours trans », OuTrans Rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans, Hervé Picard et Simon Jutant, janvier 2022 

 

« Transphobie : la “société savante” chargée des parcours de transition évolue sans convaincre », Médiapart, mars 2021 

 

« Quelles différences entre genre et sexe ? Le schéma de la personne Gingenre pour tout comprendre » 

 

« Comment les mineurs trans sont pris en charge : face à la désinformation, des médecins racontent », Médiapart, avril 2022 

 

« À l'hôpital faute de formation, médecins et patients trans souffrent de la transphobie médicale », Têtu, juin 2021 

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La transition ; un environnement légal encore flou
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Un groupe de travail planche pour la Haute Autorité de santé (HAS) sur des recommandations vers un « parcours de transition des personnes transgenres » : lisible, fluide, respectueux et non stigmatisant. L’idée est de rendre visible et légaux les circuits, de dépathologiser la transidentité. Un chantier nécessaire et indispensable avec des résultats très attendus. Date de rendu de la copie : janvier 2024, pas avant. 

« Je ne suis pas la référente dans ma ville, mais les personnes viennent me voir. Cela marche de bouche à oreille. » Ou plutôt de Facebook à Instagram. Du haut de ses 36 ans, tout juste installée en libéral, cette endocrinologue suit des dizaines de jeunes en transition. Dans sa pratique, elle demande un certificat de non-contrindication signé par un psychiatre pour commencer une hormonothérapie. « Idéalement, j'aimerais travailler en RCP. C’est quand même plus confortable de ne pas décider seule. » En l’absence de structuration officielle, c’est le système D un peu partout en France. Les associations repèrent les médecins « ouverts et bienveillants ». Ceux-ci deviennent les personnes-ressources et leurs coordonnées circulent sur les réseaux sociaux. Mais ils naviguent à vue. « Dans les faits, il n’y a pas de “référent désigné” sur un territoire et la lettre d’un psychiatre n’est plus obligatoire depuis que la transidentité est sortie de la classification des troubles mentaux de l’OMS (DSM) en 2019 », confirme Christine Louis-Vahdat, gynécologue-obstétricienne à Paris « Chacun fait au mieux, d’une manière acceptable selon sa conscience et les règles générales de déontologie. » Vice-présidente du Conseil de l’Ordre départemental, elle est également élue au national, en charge des questions éthiques. Elle représente le CNOM dans le groupe de travail de la HAS qui planche sur des recommandations visant à organiser le « parcours de transition des personnes transgenres ». « Ces recos permettront de “lisser” l’hétérogénéité des pratiques actuelles et d’offrir une égalité de prise en charge sur tout le territoire », observe Julie Gilles de La Londe. Médecin généraliste dans un centre de santé à Aubervilliers et membre du réseau « Espace santé Trans », elle fait aussi partie du groupe de travail parmi la vingtaine de professionnels représentatifs de toutes les parties prenantes1. Elle-même pratique une médecine « engagée, militante et un peu illégale au service d’une population vulnérable qui en a besoin. » 

« Dans les faits, il n’y a pas de "référent désigné" sur un territoire et la lettre d’un psychiatre n’est plus obligatoire depuis que la transidentité est sortie de la classification des troubles mentaux de l’OMS (DSM) en 2019 » 

Christine Louis-Vahdat, gynécologue-obstétricienne 

Pas grand-chose dans les textes 

Dans l’état actuel des textes de référence, il n’y a pas grand-chose. Le rapport de la HAS paru en 2009,
« Situation actuelle et Perspectives d’évolution de la prise en charge médicale du transsexualisme en France », est extrêmement contesté. « Ce ne sont pas des recommandations et le terme “transsexualité” est aujourd’hui proscrit », précise Julie Gilles de La Londe. « La plupart des trans ne change pas de sexe. C’est une croyance extérieure. » La société a beaucoup progressé depuis 2009. « Dans le passé, il y avait un adressage psychiatrique obligatoire avec un circuit hospitalier extrêmement délétère et discriminant pour les personnes. » En janvier 2022, un rapport relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans, rendu au Ministre de la Santé, a posé les vraies questions : mettant évidence – entre autres – que « les parcours médicaux de transition restent (...) parfois une question de survie, dans un contexte de sur-suicidalité dans cette population. En forte progression, ils sont de plus en plus “modulaires” et diversifiés dans leur contenu (transition hormonale ou pas, chirurgie ou pas, diversité des interventions chirurgicales), leur séquencement et leurs modalités (au sein d’équipes hospitalières pluridisciplinaires, ou pour partie en ville et pour partie à l’hôpital ou en clinique). » Au niveau international, le rapport de la WPATH (World Professional Association for Transgender Health) V8 publié en 2022 est un point de repère. Ensuite, chaque pays a sa propre manière de fonctionner. « Il n’y a pas de modèle idéal. On cite souvent “Dutch approach”, le modèle hollandais, avec son système respectueux des personnes. » 

6 ans de choix

« Ce ne sont pas des recommandations et le terme "transsexualité" est aujourd’hui proscrit » 

Julie Gilles de La Londe, Médecin généraliste 

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Adresser toutes les composantes médicales du parcours 

Dans sa note de cadrage du groupe de travail en place(1), publiée en septembre 2022, la HAS entend bien s’attaquer à toutes les composantes médicales du parcours de transition : la conduite à tenir selon les situations et contextes (comprenant le cas particulier des mineurs), la question du hors-AMM dans l‘hormonothérapie, les chirurgies éventuelles, le soutien psychologique, la fertilité, jusqu’aux autres soins plastiques comme l’épilation ou les implants capillaires, ou la modification de la voix, etc. Dans toutes ces dimensions, il s’agit de savoir quel professionnel fait quoi, à quel moment. Ce qui sera ensuite traduit dans le code de déontologie. « Le Conseil de l’Ordre n’est pas là pour donner un avis pour ou contre. Il participe à la réflexion d’un groupe de travail multidisciplinaire qui doit atteindre un consensus. La société évolue et entraîne des changements de pratiques qui doivent être discutés, définis et intégrés », évoque Christine Louis-Vahdat. 

Pour l’instant, la HAS ne peut pas en dire plus car les travaux ne font que commencer. La présentation des résultats initialement prévue en septembre 2023 est maintenant planifiée pour janvier 2024. 

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Sources : 

1. Le groupe de travail de la HAS est coprésidé par un professionnel et un usager et rassemble des représentants de tous les professionnels susceptibles de prendre en charge des personnes transgenres, notamment : généralistes, pédiatres, endocrinologues, psychiatres, pédopsychiatres, psychologues, médecins de la fertilité et de la reproduction, gynécologues-obstétriciens, urologues, chirurgiens plasticiens, pharmacologues, médecins scolaires, du sport et du travail, sociologues, travailleurs sociaux et 5 usagers du système de santé. 

7 tips sur l'accueil des personnes trans
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L’accueil dans un lieu de soins, quand on est un personne trans, est souvent synonyme de discriminations. Voici quelques petits conseils utiles à l’usage des praticiens, élaborés avec l’aide de San, 26 ans, une personne non binaire, et Yoko, 25 ans, femme trans. 

Faire tomber les étiquettes 

Pour San, consulter un médecin demande un effort colossal. Le simple « Bonjour Madame » ou « Bonjour Monsieur » est révélateur d’un besoin de classer. « On nous colle une étiquette d’entrée de jeu. J’ai une voix de femme, on va donc automatiquement m’appeler Madame. C’est quelque chose d’assez naturel de juger l’autre en fonction de son apparence, sa voix, et même son prénom parfois ». San raconte se souvenir d’un aide-soignant rencontré en service de psy, qui avait refusé aux premiers abords de l’appeler autrement que « Madame ». Cela l’avait affecté pendant 2 jours, au point où iel refusait de se nourrir tellement ce mot provoquait un mal-être. Quand il a fini par s’excuser, cela fut un véritable soulagement. 

 

MODIFIER NOS RÉFLEXES DE COMMUNICATION GENRÉE 

Respecter le changement d’identité 

Yoko raconte : « Quand on vient d’un petit village, la question de la confidentialité est extrêmement importante. Toutes les fois où j’allais à la pharmacie, la pharmacienne hurlait mon dead-name alors qu’elle avait l’information de mon nouveau prénom sur les ordonnances. Donc au quotidien, il y a énormément de transphobie ». Heureusement, tous les soignants ne sont pas transphobes. « J’ai consulté une cardiologue un jour, qui m’a accueillie avec beaucoup de bienveillance. J’avais encore ma carte Vitale à mon ancien prénom et elle m’a proposé d’attendre que j’obtienne la nouvelle. Elle s’est presque excusée de rentrer mon dead-name dans mon dossier, en me disant qu’elle y ajouterait aussi mon nouveau prénom. J’apprécie ce genre de détail » indique Yoko. 

 

DEMANDER L’IDENTITÉ, LE PRÉNOM, LE OU LES PRONOMS, POUR L’ADMINISTRATIF ET L’USAGE 

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S’approprier les bons termes 

Si vous ne savez pas ce que signifie être une personne non binaire, une personne transmasc ou transfem ou ce que signifie adelphe ou dead-name, il y a encore du boulot. On ne le répétera pas assez mais un petit tour sur le WikiTrans peut être une première étape. Pour quelques exemples : 

◆ Dead-name / Morinom : c’est le prénom assigné à la naissance. Connotation de fardeau. « Mes parents m’appellent toujours par mon dead-name mais ma grand-mère a accepté mon nouveau prénom », explique San. « Beaucoup de gens souffrent du mégenrage. J’ai de la chance à ce niveau-là. La quasi-totalité de mon entourage s’est habitué à mon nouveau prénom » Yoko 

◆ Iel : Ce néologisme est le pronom de la troisième personne du singulier permettant de désigner les personnes, sans distinction de genre. « Indiquer son pronom pour moi c’est facilitant pour les autres. Cela les met plus à l’aise et ils n’auront pas peur de se tromper », raconte San. Iel nous a aussi rapporté utiliser le terme adelphe, tiré du grec, qui permet de désigner sa fratrie de manière non genrée, donc à la place de frère ou soeur. 

 

AMÉLIORER SON VOCABULAIRE 

Faire évoluer l’administratif 

Les formulaires administratifs peuvent aussi être source d’angoisse. « Dès que je peux ne pas répondre ou ne pas cocher une case sur le genre, ça m’arrange ». Certains praticiens se sont affranchis de la dualité homme/femme dans le recueil de données, en ajoutant une case supplémentaire. « Cela m’a touché de voir que mon psychiatre a un questionnaire plus adapté, où je ne suis pas obligé de cocher si je suis une femme ou un homme » précise San. 

Le numéro de Sécurité sociale indique qui serait une femme ou un homme. « Les personnes trans sont souvent inquiètes car la Sécurité sociale attribue le 1 ou le 2 en fonction de notre sexe. On est fiché par le système dès qu’on donne sa carte Vitale ». À cela, s’ajoutent les démarches administratives pour changer son état-civil, qui s’apparentent à un parcours du combattant… 

 

ADAPTER SES OUTILS ADMINISTRATIFS ET LOGICIELS MÉTIER POUR MIEUX COMPRENDRE LA SITUATION DES PATIENTS ET COMMUNIQUER RESPECTUEUSEMENT 

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Protéger le rapport au corps de l’Autre 

« Depuis toujours je m’empêchais d’aller chez le ou la gynécologue. Tout simplement par rapport à la perception de mon corps, je n’avais pas envie de passer entre les mains du corps médical, de me dénuder » commence San. Quelques années plus tard, iel est tombé sur un gynécologue « hors pair » qui l’a réconcilié avec le corps médical. « J’ai été agréablement surpris. Je m’attendais au pire. J’avais des questions sur le cancer du col de l’utérus, et je lui ai demandé si je devais faire le dépistage puisque je ne me considérais pas être une femme. Je me suis senti écouté. On n’a pas toujours cette chance-là ! » 

 

INFORMER, EXPLIQUER, ÉCHANGER, DEMANDER ET AVOIR UN CONSENTEMENT ÉCLAIRÉ EXPLICITE POUR LES EXAMENS À ENVISAGER 

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Attention au transwashing ! 

Vous apercevez parfois le petit drapeau LGBTQI+ sur certaines enseignes ou chez des praticiens ? Pour Yoko, cela peut être une bonne chose mais ne veut pas toujours dire grand-chose. Parfois, c’est même frustrant ou décevant. « Vous voyez un salon de coiffure qui indique un petit drapeau LGBT et vous lisez les commentaires des clients qui ont été mal accueillis. Ce n’est pas une garantie. En revanche, en tant que personne trans, on a un sous-réseau protégé avec des praticiens transfriendly vérifiés et à l’inverse, ceux qui ne le sont pas et qu’il faut éviter » révèle Yoko. 

 

NE PAS SE QUALIFIER LGBTQI+FRIENDLY. SEULS LES USAGERS PEUVENT LE FAIRE ! 

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Se former 

Intégrer l’accueil des personnes trans, la prise en charge de la transition aux études médicales et paramédicales, est essentiel pour faire évoluer les pratiques sur ces questions-là. 

« La première endocrinologue que j’ai consultée pour entamer un traitement hormonal m’a obligée à voir un psychologue pour valider que j’étais apte à suivre la médication alors que ce n’est pas obligatoire. Entre-temps, j’ai changé de praticien, qui lui, m’a fait prendre un traitement qui provoque des méningiomes. Cet anti-androgène n’est pourtant pas obligatoire dans la transition mais est très souvent prescrit » explique Yoko. Il y a donc encore beaucoup de manque d’informations et parfois, une mauvaise interprétation de la part des soignants sur les traitements et les obligations légales. 

 

IL N’EST JAMAIS TROP TARD POUR SE FORMER ! 

Conclusion

CONCLUSION

Réaliser ce dossier nous a tous conduit au sein de la rédaction à divers niveaux d'introspection, de l'écriture elle-même à l'intégration des transidentités dans nos quotidiens, à leur accueil dans nos environnements de travail, dans notre exercice. 

Nous espérons qu'il en fera de même pour vous. Que ce dossier soit une pierre à l'édifice d'une médecine intégrative et bienveillante, contribuant ainsi à l'évolution de la société.

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